vendredi 5 octobre 2012
LAURENCE LOUISFERT : TEMPO DES TEMPS (Yannick Lefeuvre)
En vrai, une
artiste nous
donne à voir des
sculptures
révélatrices du
temps. L'air du
temps, le temps
de l'être, le
temps de
l'arbre, le
temps des
désirs, tous
saisis dans la
vérité de leurs
mouvements et
rendus visibles
par la
trangression
métallique. Le
métal scande,
hache et découpe
les déroulements
vivants pour des
élans affirmés,
solides qui au
final, le défie.
Une sculpture
jaillissante
pour dire l'idée
du désarroi
contemporain
mais aussi pour
tracer des
visions
temporelles
utopiques et
chaleureuses.
Elle croit à la
vie et porte son
rêve comme un
fer de lance.
Par notre
incapacité à
nous relier au
temps des
mythes, aux
effluves de la
terre, à l'amour
charnel et tout
simplement à
l'autre, nous
passons à coté
du temps. Nous
coulons la
barque des rêves
de la
temporalité et
nos espaces
s'essoufflent.
Sa façon de
réagir, c'est la
vigoureuse
empoignade. Elle
l'attrape, elle
le prend à bras
le corps, elle
l'accouche. Un
temps charnel
venu de la
forme, de la
couleur, des
métaux utlisés
pour le projet
s'affirme. Il
faut la ténacité
d'artiste comme
elle pour
débusquer de
telles vérités.
D'un tour de
main astucieux,
elle lui indique
sa place et
devant tant de
maturité, il
acquiesce. Il
sera l'âme de la
sculpture.
Pour donner
corps à
l'impossible,
elle
s'accompagne
d'ustensiles
redoutables. Ils
font des
étincelles et
s'entrechoquent
dans son atelier
secret. La
meuleuse
capricieuse, le
chalumeau-chameau,
les acides
citronnés,
l'oxycoupage-pas
sage, les
soudures vexées
tourbillonnent
dans un bruit
d'enfer... Ils
évident, ils
grattent, ils
meulent,
écorchent,
gravent,
ébardent,
cisèlent et
soudent. En
fait, ils n'en
font qu'à sa
tête de
fouineuse,
chercheuse et
amoureuse
énergique. La
sculpture
s'enhardit et
rend visible en
plus du temps
commun, un temps
intérieur, un
temps plus
subtil de soi,
le temps
mystérieux du
mythe et le
temps réel de
l'oeuvre. Tenir
ainsi la gageure
dans sa main,
dans ses
muscles, dans sa
chair n'est pas
une mince
affaire. Pour y
arriver avec un
tel talent, il
faut avoir le
souci des
origines et
l'incarner dans
une forme
durable défiant
le vide actuel.
La quête sera
longue et chaque
pas en avant
sera ainsi
inscrit dans le
métal, histoire
de ne jamais
rien oublier de
ses
investigations.
Voilà comment
elle procède.
Pour mieux dire,
j'ai vu au plus
haut des socles,
un arbre. En bas
gravée, taguée
l'image de
l'arbre qui fut
ou qui sera. Au
delà du
construit,
l'arbre va
renaître,
s'enraciner et
se déployer
nourri qu'il est
du substrat des
entités-villes
des hommes. Les
socles sont
alors des seuils
car pour elle
rien n'est
fatal.
L'élévation
devient une
mélodie, un
rythme et sa
pulsation à
l'écoute des
autres donne le
vertige. Dès
lors, chaque
regard posé sur
ses oeuvres
devient un
regard complice.
Le tempo du
temps de l'être
dans l'infini du
temps de
l'espace dévoile
ses capacités de
transcendance.
Elle nous révèle
la magie
possible de
l'heure du
partage. De
plus, il y a
toujours autour
des sculptures
de Laurence des
espaces
nécessaires à
leur
déploiement. Le
monde autour
prend sens grâce
aux lignes mêmes
jaillissant de
la sculpture.
Sculpter pour
elle n'est pas
seulement offrir
une oeuvre mais
transformer le
regard sur le
monde qui
l'entoure. Ses
sculptures ont
cette efficacité
là. La sculpture
déplie l'espace
qui l'entoure et
redonne au temps
la force du
désir.
Parfois, elle se
retire et on la
surprend sur des
ailleurs plus
doux. Elle est
aussi chatte,
femme, aronde,
gironde,
oblongue. La
suiveuse de
pistes
originales a
plus d'un tour
dans son sac et
chante la vie à
tue tête ! Des
patines
palatines
vertes,
mordorées,
marronnées et
grisailles dans
des couleurs
toujours «
blues-tenues »
la suivent à la
trace. Ses
investigations
colorées
prennent des
détours
nécessaires aux
nouvelles
impressions qui
se présentent.
Ainsi,
l'arbre•animal,
la
femme-feuille,
la gousse-vulve,
le bijou-racine,
l'envol-tronc,
les
branches-dragons,
la terre-mère,
les
ventres-cercles
et la
faucille-lune
nous emmènent
sur d'autres
mondes. S'il
s'agit du nôtre,
il en révèle les
richesses
profondes,
sensuelles et
gorgées de vie.
Elle devine que
la
différenciation
est source de
rencontres. Le
métal s'arrondit
et ouvre ses
paumes. L'élan
dessine une
ellipse
vivifiante. Les
petites
sculptures
possédent les
mêmes richesses
harmoniques que
les grandes.
Mais elles ont
parfois de par
leur proximité
la possibilité
d'une senteur.
La main a envie
de toucher,
sentir et porter
l'oeuvre comme
on porte un
enfant inattendu
et secrètement
souhaité. Ses
enfantements au
delà de la
prouesse sont
autant de
promesses de
vie, de
rencontres et
d'espérances !